Fillon et Dati excluent toute loi sur l'euthanasie active
PARIS - Le Premier ministre et la ministre de la Justice se sont déclarés opposés jeudi à toute législation autorisant l'euthanasie dite active, après la procédure judiciaire engagée par une femme atteinte d'une tumeur incurable qui demande une aide à mourir.
"Je ne pense pas qu'il faille à cette occasion faire penser aux Français qu'on pourrait par la loi régler dans le détail cette question qui est la question de la vie, la question de la mort", a dit François Fillon sur RTL.
"Ce débat doit continuer mais je ne peux pas, moi, aujourd'hui, en tant que Premier ministre, apporter une réponse péremptoire à une question qui touche au plus profond de nos consciences", a-t-il ajouté.
Rachida Dati s'est dite aussi hostile à une réforme. "A titre personnel, je considère que la médecine n'est pas là pour administrer des substances létales", a-t-elle déclaré sur France Inter.
L'affaire relance un débat ancien qui fut vif en 2003 avec la mort provoquée médicalement de Vincent Humbert, un jeune homme totalement paralysé, muet et aveugle après un accident.
Pendant la dernière campagne présidentielle, la candidate socialiste Ségolène Royal s'était prononcée pour une législation qui légaliserait l'aide active à mourir dans les cas extrêmes.
L'avocat de Chantal Sébire, 52 ans, qui souffre depuis près de huit ans d'une tumeur évolutive des sinus et de la cavité nasale qui la défigure et provoque d'intenses souffrances, a demandé au président du tribunal de Dijon d'autoriser le médecin de famille à lui administrer une substance mortelle.
Soutenue par ses trois enfants, cette femme s'est exprimée dans les médias pour faire savoir que sa demande était volontaire, réfléchie et déterminée.
DEMANDE SANS DOUTE REJETÉE
Selon Rachida Dati, le juge, qui doit statuer mardi prochain, ne pourra que rejeter sa demande.
"Ce n'est pas notre droit. Nous avons fondé notre droit, et aussi bien la Convention européenne des droits de l'homme, sur le droit à la vie", a-t-elle dit.
François Fillon et Rachida Dati jugent suffisante la loi Leonetti adoptée en avril 2005, qui permet l'arrêt des traitements et l'administration massive de médicaments anti-douleur même s'ils présentent un risque mortel, mais pas la mise à mort de patients agonisants.
Deux pays européens, la Belgique et les Pays-Bas, ont légalisé l'euthanasie active dans un cadre très rigoureux. La loi ne s'applique que dans les cas extrêmes - environ 350 euthanasies légales ont été pratiquées en 2004 et 2005 en Belgique, soit seulement 0,36% des décès.
Par ailleurs, la Suisse autorise l'assistance au suicide, même pour les personnes qui ne sont pas atteintes d'affections mortelles, une particularité qui a amené un insolite "tourisme de la mort" dans ce pays.
Le débat met face à face les milieux notamment catholiques et les pouvoirs publics actuels, qui estiment que la loi doit conserver l'interdit de la mise à mort médicale, et les partisans d'une réforme qui jugent la situation actuelle hypocrite.
En effet, de l'aveu même de très nombreux personnels soignants, la mort de patients agonisants est provoquée souvent à l'hôpital dans les cas extrêmes, même si elle constitue juridiquement un crime passible des assises.
Les procès sont rares. En mars 2007, à Périgueux, en Dordogne, un médecin et une infirmière ont comparu pour "empoisonnement" pour avoir aidé à mourir en 2003 une malade agonisante.
Le docteur Laurence Tramois a été condamné à un an de prison avec sursis sans inscription au casier judiciaire, l'infirmière Chantal Chanel a été acquittée. Un appel public de 2.134 soignants pour la légalisation de l'euthanasie active avait été lancé avant le procès.